Elle dépose les affaires sur un petit tabouret près du divan où elle a tant attendu qu'il se réveille. Alice se tourne vers lui, la mine dépitée.
Alice : Qu'est-ce que c'est que ça ?
Dans sa main, elle tient un billet de train pour Nantes.
Elle le regarde droit dans les yeux puis Marquand ressent la même chose que lorsqu'il voulait la serrer contre lui mais qu'il n'a pas pu.
Le téléphone d'Alice sonne plusieurs fois, elle ne répond pas. Elle ne répond plus.
Alice : Fred, je viens de croiser le docteur, il m'a dit que tu réussissais un peu à parler. Explique moi, parce que je ne peux plus...je...
Marquand se redresse, il souffre de toutes parts mais veut lui montrer qu'elle n'y est pour rien.
Des larmes roulent sur les joues d'Alice, qui ne comprend pas ce qui arrive à son commandant.
Il débranche quelques fils inutiles et se redresse. Elle le suit du regard, en espérant qu'il lui donne une réponse, lui fasse un signe.
Marquand : Alice... Viens...
Elle obéit immédiatement, impatiente de découvrir les raisons pour lesquelles il est ici ou encore pourquoi il est parti si soudainement l'autre soir.
Elle est tout près de lui, il va parler mais elle pose finalement ses doigts sur ses lèvres. Une larme dégouline le long de son visage puis sur la main de Fred qui caresse la joue d'Alice. Il l'attire contre lui et ils se retrouvent dans les bras l'un de l'autre, amoureux comme au premier jour. La juge l'embrasse sur le front et passe sa main dans ses cheveux.
Alice : Je vais m'occuper de toi. Je vais rester là et t'aider, tu n'es pas seul.
Les yeux verts d'Alice ont un effet sur le commandant qu'il ne comprend pas, mais qu'il tentera d'expliquer à la juge quand il en aura la possibilité.
Alice : Je t'aime Fred.
Victor : Vous avez des nouvelles du commandant ?
Policier : Marquand ?
Victor : Qui d'autre ?!
Policier : Non, toujours pas. On attend qu'il revienne, on ne sait pas où il a été hospitalisé.
Victor : Alors un de nos membres meurt, personne ne réagit, un autre a un accident de voiture et la vie continue ? Franchement, je suis heureux de ne pas avoir à travailler avec vous.
Sur ce, il s'en va. Dans le bureau, il appelle son tonton pour savoir ce qu'il doit faire, ne sachant pas lui non plus où a été hospitalisé Marquand.
Il avait dit à Alice qu'il viendrait au plus vite, mais elle reste impossible à joindre alors que personne ne sait où leur rendre visite.
[Conversation téléphonique]
Victor : Allô, tonton ?
Lemonnier : Victor ? Alors, comment ça se passe au Palais ?
Victor : Mal. Très mal. Tes carnets leur ont certainement fait très plaisir, mais alors là on n'avance plus du tout.
Lemonnier : Mais qu'est-ce qu'il se passe ? Un problème avec les dossiers ?
Victor : Si ce n'était que ça. Marquand a été hospitalisé suite à un grave accident de la route... Alice est avec lui mais personne n'a de nouvelles, et je ne sais pas dans quel hôpital ils sont. La liste des patients est bloquée à cause du plan vigipirate.
Lemonnier : Ça sent mauvais... Rappelle le juge, elle va bien répondre à un moment.
Victor : Je n'ai arrêté que pour t'appeler !
Lemonnier : Bon, alors je sais qui appeler.
Victor : Ah oui ? Qui ?
Lemonnier : Avant Marquand.
Victor : Oui.
Lemonnier : Il y avait d'autres lieutenants, collègues.
Victor : Oui.
Lemonnier : D'autres histoires d'amour impossibles...
Victor : Ah bon ? Mais tu ne me l'as pas raconté ça !
Lemonnier : On ne peut pas tout se dire, je suis tenu au secret professionnel Victor !
Victor se rappelle qu'il avait dit la même chose à Noah quand il voulait savoir si le commandant et la juge était vraiment ensemble.
Victor : Hm... Mais qui tu vas appeler alors ? L'un de ceux qu'elle a connus avant Marquand ?
Lemonnier : Bingo ! Enfin, je l'ai déjà appelé pour qu'il lui remonte le moral, je vais lui demander de ses nouvelles maintenant.
Victor : Mais tu n'as pas peur que ça la déstabilise encore plus ? Je veux dire avec l'histoire de Mathieu Brémont, Marquand, et puis son père et tout et tout...
Lemonnier : C'est Marquand qu'elle aime. De toute ma carrière je n'ai jamais vu une si belle histoire. Je l'appelle et je te tiens au courant.
Victor : Merci tonton.
[FIN]
[Conversation téléphonique]
Lemonnier : Romance ?
Romance : Allô ?
Lemonnier : Bonjour Romance.
Romance : Bonjour Lemmonier, comment allez-vous ?
Lemonnier : Plutôt mal. Et vous, tout se passe bien avec Alice ?
Romance : Même très bien. Elle a tellement changé... Et en même temps...
Lemonnier : Vous voyez qu'elle ne vous a pas oublié ! Bon, j'ai besoin d'avoir de ses nouvelles et de savoir dans quel hôpital se trouve Marquand.
Romance : Ils sont à l'hôpital Tenon. Alice a du mal à encaisser, mais elle reste auprès de lui, je pense qu'elle ira mieux d'ici quelques jours... Je peux vous poser une question ?
Lemonnier : Oui Romance, avec tous les services que je vous demande et que vous acceptez pour la plupart, je peux bien faire cela pour vous.
Romance : Ce commandant... C'est quel genre d'homme ?
Lemonnier : Ah non Romance ! Je compte sur vous mais vous ne devez pas me décevoir, enfin !
Romance : Pourquoi vous dites ça ?
Lemonnier : Vous cherchez une rivalité entre ce commandant et vous, et ça ne me plaît pas du tout ! Alice est fragile en ce moment, il faut la laisser respirer un peu !
Romance : Bien sûr mais...
Lemonnier : Romance ? Vous l'avez simplement écoutée et lui avez donné de conseils, en tant qu'ami, bien entendu ?
Romance : C'est-à-dire que...
Lemonnier : Victor avait raison ! J'écouterai mon neveu la prochaine fois... Bon, vous lui dites que vous ne l'aimez pas, que vous avez une copine, un chat ou tout ce que vous voulez, mais tout ça c'est fini ! Ah non hein, pas de ça !
Romance : J'ai essayé mais je ne peux plus faire demi-tour... C'est elle qui est venue vers moi...
Lemonnier : Mais c'est elle qui est perdue et qui souffre, pas vous ! Vous pouvez l'encourager à renoncer ! Mais vous la laissez faire... Ce n'est pas digne d'un ami, ça, Romance.
Romance : Attendez, pendant tout ce temps elle nous a fait croire tout plein de choses à Guérand et moi, et maintenant vous me dites que je ne souffre pas ?
Lemonnier : Romance, ce que j'essaie de vous dire c'est que son c½ur est pris.
Romance : Je n'en suis pas sûr. Elle est consciente que ce qu'elle a fait est mal, qu'elle ne devrait pas aller vers moi, mais comment la repousser ? Repousser celle que j'ai toujours attendu ? Ça m'est impossible.
Lemonnier : Le commandant a vécu la même situation que vous mais c'est lui qu'elle a choisi, Romance !
[FIN]
Il raccroche sans prendre la peine de répondre. L'ancien lieutenant doit renoncer à ses sentiments pour préserver celle qu'il aime mais c'est chose impossible pour lui. Cette conversation l'a fait souffrir. Il n'y a pas que Marquand qui souffre. Il fait désormais partie de l'histoire.
« Tu avais raison, au sujet du fait que le bon ami d'antan refasse surface... Je ne peux plus l'empêcher de l'aimer, c'est moi qui l'ai mis dans cette histoire. Hôpital Tenon pour Marquand.»
Victor arrive dans la chambre avec des petits pains au chocolat. Alice se redresse, elle s'était endormie à demi sur Marquand.
Alice : Victor ?
Victor : Vous nous avez donné du fil à retordre tous les deux... Il s'en sort ?
Alice : Comme il peut.
Elle regarde Marquand et lui caresse la joue avant de remettre une mèche de cheveux derrière son oreille.
Victor est attendri, il se demande comment Alice pourrait être amoureuse d'un tout autre homme que le commandant.
Victor : Je peux vous parler ?
Alice : Oui... Mais pas longtemps, je veux rester auprès de lui le plus longtemps possible...
Le greffier dépose les pâtisseries sur une petite table et ils sortent l'un après l'autre de la pièce. Assis devant la porte de la chambre huit, ils engagent une conversation profonde.
Victor : Je n'ai pas toujours été là et parfois je ne vois pas tout ce qu'il se passe dans votre vie... Mais mon tonton m'a parlé.
Alice : Je ne vois pas où vous voulez en venir Victor. Vous n'avez pas l'air bien... Il y a des machines à café si vous...
Victor : Faut tout arrêter Alice.
Alice : Quoi ? De quoi vous parlez ?
Victor : Mon ... oncle m'a parlé de ce beau garçon qui travaillait avec vous bien longtemps avant que je n'arrive. Même si je ne sais pas tout, j'en sais un minimum pour vous conseiller d'arrêter.
Alice : Romance ? Mais je...
Victor : Vous allez me parler franchement. Je garderai tout pour moi mais je ne comprends pas pourquoi vous avez une attirance pour un autre que le commandant ! Vous imaginez s'il l'apprend ?
Alice : C'est difficile à expliquer... je me perds moi-même dans ce que je fais...
Victor : Est-ce que vous avez des remords ?
Alice : Non.
Il est interloqué. Il ne comprend pas qu'une femme aussi réfléchie qu'Alice réagisse de cette manière. Des explications se font attendre.
Alice : Ce sont deux hommes tellement différents... Fred a sa manière d'être et je l'aime comme jamais je n'ai aimé un homme... Son tempérament, ses sourires, ses beaux yeux, son regard... Je l'aime, il n'y a pas de doutes sur ça.
Victor ne le montre pas mais il est tout de même soulagé de l'entendre.
Alice continue :
Alice : Mais Romance est...
Victor, ne voulant pas entendre cela reprend :
Victor : Vous ressentez ça parce que...c'est l'euphorie, il vient de revenir, vous êtes désemparée...
Alice : Peut-être. Mais ce n'est pas l'impression que j'ai. Romance est doux, calme, attentif. Marquand l'est aussi, bien sûr... Je ne peux pas comparer les deux mais... Quand Romance me parle, j'entends une poésie. Il devine mes pensées et je suis sous son charme... Quand il me regarde, je me sens importante...
Victor : Ça ne me plaît pas du tout. Vous n'êtes pas amoureuse.
Alice est presque soulagée d'entendre cela, mais Victor n'a pas fini.
Victor : Vous tombez amoureuse. Et je ne sais pas s'il y a moyen d'interrompre le processus. Il faut vous éloigner de lui...
Alice : Je ne veux pas... On a travaillé ensemble durant des années, je... je veux rattraper le... le temps perdu...
Elle-même est troublée par ce qu'elle ressent. Victor ne sait plus quoi faire, elle semble se trouver au milieu d'un triangle amoureux et il est dur d'en sortir.
Victor : Il faut faire un choix Alice. Vous ne pouvez pas blesser deux hommes à la fois.
Alice retourne dans la chambre tandis que Victor retourne au Palais mettre de l'ordre dans d'anciens documents. Elle embrasse Marquand qui dort encore, elle a du mal à le quitter mais c'est son choix.
Une fois arrivée, elle est honteuse. Mais elle doit le faire.
Romance : Pourquoi vous m'avez fait venir ici ? Je crois que tout le monde est contre nous...
La juge demeure muette puis s'interroge et lui répond.
Alice : Je ne vous quitte pas. Je ne vous quitte pas mais je ne me mets pas non plus avec vous. Je vais m'éloigner... Réfléchir...
Romance : Alice, je vous ai retrouvée et vous partez...
Alice : Je sais, je vous fait souffrir une fois de plus mais depuis quelque temps je ne fais que du mal autour de moi.
Romance : Est-ce qu'on se reverra Alice ?
Elle lui caresse la joue, leurs yeux ne se quittent plus. Alice se retient de l'embrasser, elle tente de se persuader de s'en aller mais son corps ne bouge plus. C'est Romance qui s'approche d'elle et l'embrasse passionnément, ils sont au Paradis.
L'étreinte qui suit est difficile à défaire, mais Alice y parvient après cinq minutes. Ils se lâchent la main et Alice prend son envol en voiture. Romance a juste le temps d'apercevoir une valise qui vacille sur la plage arrière alors que la juge accélère.
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